Silence

En 2019, le silence fait encore peur
Je parle de mon propre silence
Il fait peur
Il semblerait qu’il cache les pires desseins
Il doit forcément dissimuler quelque chose
Car c’est bien connu
C’est derrière le silence qu’on peut cacher des choses
Pas derrière les mots

Le shitstorm2019, le plus puissant de tous.

Endongo

Il est 12h14, plein sud. Les touches brûlantes de ce clavier. Les stores brisés. Lourdeur de l’énième symbole. Chaque mot est difficile à trouver. J’en vois d’autres pourtant, des mots, qui traînent sur mon écran. Mais je ne les lis plus. La situation. Quelle situation? Le pays. Quel pays? J’entends un « bonjour » sur un ton automatique, c’est une rafale. L’humanité achève de s’avaler. La catastrophe, les catastrophes. Il ne faudrait pas en parler? C’est vrai qu’elles ne sont plus à prévoir, elles sont là, se multiplient. Dans ces instants, les pensées semblent s’embourber, s’enliser. Comment dégager de nouveaux horizons? Où faut-il regarder? Même dans la boue, je pense qu’il faut un œil en dedans et un œil au dehors. Et parfois les fermer tous les deux et entendre les bruissements de la volonté dans son for intérieur. Car comment rester immobile? Il pleut des bombes d’urgences. Mais le vent tourne vite et les pensées restent coincées, patinent. On tourne autour de l’essentiel parce qu’on a oublié en quoi il consistait. Qu’est-ce qui faisait que nous étions nous-mêmes? Pourquoi ne le sommes-nous plus? Je pourrais vous laisser avec ces questions sans réponses. Mais il me reste du temps là, pour remplir ce vide qu’on appelle nouveau monde.

Dans cette boue du vide, dans cette moue infinie, le pouvoir plane comme un vautour. On pourrait dire un rat ou un pigeon aussi. Bref, ce qu’il reste au bout d’un temps long de destructions. Nous ne savons plus construire. Et le terrain est-il encore fertile? On peut en douter. Fuir? Non. Renoncer? Non. Se battre? Oui.

De la toile

Truite, là! La sémantique offerte par ces expertes est digne d’un opéra du cœur. Je mélange et j’échange, les yeux fermés, la pollinisation contre l’hellénisation. C’est une erreur, dingue! La sismologie, la tectonique des mots bravent mes sens avec la force de l’interdit. Ces sonorités imprévues, dans ma tête, résonnent déjà. Porte ouverte dans un avion cargo, blindé de soja de contrebande, je contemple les désastres de la canopée. Si si mes conditions sont respectées: l’intonation des mots s’accroche sur les dents de mon esprit. Des études très poussées sur ma trajectoire de vol, des études bien ratées sur ma tentative de crash. Sinusoïdes des mouvements, de mon intestin, charme discret de cette myriade de mains. Rien ne m’empêche de continuer à la ligne…
la désintégration du texte, l’absence d’image, la volonté d’enfoncer ce message au plus profond. De la toile.

De la toile.

116

Des barreaux à la fenêtre
Gel d’ordinateur
Moquette usée
Quatre néons sur huit
Aucun angle droit
Entresol sans entre soi
Encre sèche comme encre soi
Pensée qui dépérit
Sans rire sans riz
Robinet rouge hors de portée
De vieilles consignes de sécurité
Les yeux d’un chat sur le mur
Pour seule compagnie

Inconsistency

Stefan Christensen « Shake off the Village » LP (C/Site Recordings)
Vous vous souvenez peut-être de Estrogen Highs, groupe dans lequel jouait Stefan Christensen il y a quelques années. Non? Ce n’est pas grave car de toutes façons « Shake off the village » n’a pas grand chose à voir. C’est plutôt du côté de Jim Shepard et de Dead C qu’il faudrait aller fouiller. Mais vous voulez encore des étiquettes et des influences? C’est 2018, merde. Le chat s’est évadé pour faire le buzz sur Internet. On traîne de l’aluminium le long des autoroutes. A moins que ce ne soit du cuivre. Tout à 1$, y compris le bouton rouge, oui celui du nucléaire. A 20h ou peut-être à 8h, rendez-vous derrière la moustiquaire pour acheter un instrument légèrement défectueux ou un tableau à peine moche. Une soudaine envie de repeindre tout dans une couleur terne-réalité. Un petit fatras de batterie, un grignotement de guitare, un texte lu dans une pièce éloignée. « Shake off the village » vous emmènera loin.

https://soundcloud.com/c-site-recordings/8am-sharp-by-stefan-christensen-cs015

Mosquitoes « MOS-002 » LP (Autoproduction)
Des anglais je crois. Mais ne m’en demandez pas trop, je ne sais pas. Je ne veux pas savoir. Devrais-je vouloir? On s’en fout. Des rythmiques de zombie, oui. Bien chargé dans le monte-charge avec une mouche sur ampli géant. Sol glissant, boots démodées, peinture fluorescente renversée à l’improviste. La guitare crache sur une bonne pile de loyers impayées. Une vieille bouteille de schnaps est coincée derrière le frigo, la graisse lui lèche les entrailles. Grincement de porte, bourdonnement de basse et échappée furtive dans un couloir de fougères, le gris du ciel comme un coin de table qui fait mal. Feu rouge et toux sèche, des infusions à même le sol et des ampoules en promo. Le contenu de l’enveloppe derrière l’armoire pour sortir le disque et advienne que pourra. Dub de mort et coup d’éclat, je dis oui puissance bar. J’ai déjà posté une vidéo, démerdez-vous. Et des extraits de leur live au Café Oto par ici:

No Balls « Second to win first to lose » LP (Killedbyanaxe)
Deuxième LP de l’année pour les prolifiques No Balls dont on ne refera pas la bio ici. C’est du lourd du grand nord. La trompette pleure comme ces cachalots de sang sur ta plage préférée. Comme ces ours blanc, la chair à vif. Brut, monolithique, granitique sur lequel se fracassent les chairs les plus fermes. Pintes de sable fin et buée permanente de l’esprit, soudain à la dérive dans un océan qui n’est pas sans poison. Plus de poumons, des contusions et toujours deuxième. Une loose de champions.

Femme « Chroma » LP (Bruit Direct disques)
Ce duo composé d’un Arno et d’un Jo sort ici un album live impeccablement enregistré aux Instants Chavirés. Décoction de Noël en présence de crapauds, bruissements de reptiles et oubli fâcheux de la tenue camouflage obligatoire. Des arbres plus hauts que toute conscience possible, des âmes plus basses que tout radar connu, l’instinct primaire file dans l’électronique intérieure. Le silence s’achète à prix d’or, les fréquences font leur marché, les ambiances se dégradent de soir en soir. Point rouge Belgique, point rouge sur les bords de Dronne, point rouge place Stanislas du rendez-vous manqué. L’hélicoptère s’en va déjà. Des cloportes en boucle d’oreille, un chant d’oiseau tropical en sonnerie de portable, l’horizon se truffe d’éléphants noirs. Une ligne de points rouge qui frétille sur le terrain détrempé. Coloré comme une tempête d’hiver, « Chroma » s’impose avec finesse et précision au milieu d’une risible jungle d’actes de bravoure.

The Rebel « Poems with Water » Trilogy LP (Monfonus Press)
Bluettes au marteau-piqueur sur le temps qui passe, le patriarcat, la musique. Dérivations neuronales, prose de côté en forme d’éclair, rythmiques qui claquent sur la mort et notre époque (la mort). Investigations introspectives sur les moeurs qui sifflent sur nos têtes. Lignes de synthé au purgatoire à l’âge de 13 ans. Murmures profonds sur ceux qui prétendent nous gouverner. Génie de l’incohérence, divergence d’opinions sur rue. Le piano se fait mutant voire mutique, trace des lignes de coupe dans une interzone de fulgurances en série, entrecoupée de vulgarités régénérantes. Un arbitre, une voix off de jeux vidéo jette un froid sur la cryptique de nos comportements. La face B est particulièrement géniale. Du grand Rebel.

Maraudeur « s/t » LP (Bruit Direct disques)
Des petits coups répétés sur les liaisons raison-coeur à apprendre par coeur les jours de piscine. Quand le vent souffle sur la basse, on fait des ronds dans l’eau, une raison sous l’eau, en sifflotant mieux que sous la douche. Les contrastes font grand jour: nervosité du jeu, gravité du chant, légèreté générale. Comme un dosage parfaitement maîtrisé. Le menu prend des formes inattendues au détour d’un kick ou d’un kack, à moins que ça ne soit un click ou un clack. Quand le jeu s’aère encore plus – le mystérieux septième morceau de la face A – on pose le monde sous le menton, l’air frais dans les esgourdes. Nouveau coup de flash sur la face B avec un « Accident » qui une fois de plus tutoie un bonheur simple avec une discrète précision.

Blank Veins « From one head » LP (Killedbyanaxe)
Les morceaux présents sur cet album étaient sortis à l’origine sur une K7 en 2014. Mais depuis, ce groupe originaire de Grèce a continué d’étendre son aura à travers un split avec No Balls et un 45t sorti au début de l’année 2017. Cette réédition très soignée – superbe vinyle blanc – tombe donc à pic, comme une enclume dans un magasin de porcelaine. Blank Veins joue déjà en première division noise. Têtes baissées, ces morceaux creusent un sillon-gouffre dans toutes nos certitudes. L’intensité est phénoménale. Ecouté à plein volume, ce disque chasse les mauvais esprits de l’époque avec une efficacité redoutable.

Allez, en vous la souhaitant bien bonne, je ferai prochainement ici quelques chroniques K7.

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Plinthes

Retrouver le chemin des mots
Petits cailloux de lettres
Premières voyelles, quelques consonnes
De manière insistante
Ne pas répondre ou à travers la porte
Dériver lentement sur la moquette imaginaire
Scruter les plinthes et les plafonds
Les recoins, les cartons
Pousser des cris, se découvrir des sons
Comme une renaissance des sens sur un tas de non