Yellow Mice Sleep

Bon alors oui il était temps. Revenir un peu à la musique car la platine tourne encore et toujours.

J’ai mis la main sur un 45t des Screamers « Live At The Whisky 9-14-78 » sorti sur Meeuw Muzak. Pochette noir et blanc, vinyl rouge. Le son est tout à fait correct. Les deux titres « Magazine Love » et « Cholo Jump » décapent sec. Du synth-punk cru. Ces gars là ne buvaient pas de soda pop. « Cholo Jump », nerveux, physique, montre les crocs comme une bête. Rouge je vous dis.

Le premier EP des Factums de Seattle est la dernière sortie en date du label parisien PollyMagoo. Le groupe, qui s’inscrit dans la clique Intelligence/A Frames se dévoile comme une sorte de version ‘free’ de ces derniers. Ils poussent sur le psychédélisme, frisent le proto-indus, tâtent du Residents de la première heure, invoquent un paquet de space freaks tout en conservant souvent une basse hyper-carnivore qui ronge guitare, chant et mélodies. Celles ci sont bien là. Enfouies, flottantes, diluées dans la brume du Northwest, décidément particulièrement inspirante pour pas mal de groupes. A suivre, l’album vient de sortir sur Siltbreeze. Et un autre est déjà en vue pour cet hiver sur Rococo.


Impossible de faire l’impasse sur Blank Dogs. Projet solo d’un pas-si-mystérieux mais incroyablement prolifique new-yorkais. Blank Dogs enchaîne les sorties vinyliques à un rythme effréné. Après l’intriguant 12″ ‘First Two Weeks » sorti sur Freedom School, voilà deux nouveaux singles, l’un sur Hozac, l’autre sur Sweet Rot. Blank Dogs lève un peu plus le voile sur son grand huit imaginaire avec un son un légèrement moins « bedroom » que sur son premier disque. Imaginaire dans lequel on retrouve toujours, ne serait-ce qu’en papier peint cosmique, un goût certain pour des mélodies pop DIY à la Messthetics. Mélodies en sous-sol puisque la vitrine offre le plus souvent des séances d’hypnotisme minimalistes dans lesquelles des noms comme Brian Eno ou Bruce Haack semblent apparaître subrepticement. Ces chansons ont aussi en commun une certaine mélancolie, un spleen qui dérape, qu’on capte et qu’on mâchouille ensuite inlassablement. « Yellow Mice Sleep », « Doorbell Fire » ou « Outside Alarmer » sont autant de hits à tiroirs nés d’un brain qu’on imagine en pleine ébullition. Un nouveau 12″ et un nouveau 7″ sortent sous peu sur Sacred Bones et Florida’s Dying. Restons dans la boucle.

Originaires de San Francisco et comprenant notamment un ex-Icky Boyfriends, les Hank IV viennent de sortir un nouveau single, « Dirty Poncho », sur le label Plastic Idol. La chanson qui donne son nom au disque est un petit bijou de sauvagerie à l’ancienne, lignée AmpRep 90s en plus accrocheur et un peu moins noise. « Symptomatic » sur l’autre face est mid-tempo tout aussi efficace et un peu plus garage. Voilà des vétérans sur qui il va falloir compter, un peu à l’image de Mission Of Burma lors de leur come-back il y a quelques années. Et puis pochette de l’année. Ou presque.

Une fois n’est pas coutume le disque « The World is lousy with ideas Vol 1 » présente deux particularités: d’abord c’est une compilation en 45t et deuxièmement il sort sur Almost Ready un label d’Hawaii. Oui vous avez bien lu. Lu. Lu. Home Blitz, groupe du New Jersey qui a récemment compilé ses meilleurs titres sur Gulcher, s’illustre une fois de plus avec un proto-punk rock DIY à bloc qui ravira les nostalgiques des Gizmos ou du meilleur de Half Japanese. Boys Club font plus dans le garage-punk fun et malicieux cher à Russel Quan: les fans des Mummies et des Supercharger devraient apprécier. Sur la face B on tombe sur le monstrueux « It’s not your speakers » des Nothing People, un mur de feedback laissant place progressivement à un titre heavy-psych de haute volée aussi pernicieux qu’aguicheur. Bref, cette compile est un sans faute.

Le one-man-band messin The Feeling of Love squatte l’actu vinylique du moment avec deux disques: un nouveau single, « Young Jesus », sur Nasty Product et un sur Yakisakana sur lequel il joue aux côtés de King Automatic, autre illustre one-man-band de l’Est. Sur le premier il nous remet une bonne couche de son blues cru dans-ta-face: de quoi bien secouer le cocotier et même faire tomber le petit Jésus? La face B cultive aussi son sens rare du face-to-face (dans la lignée des grands duels sportifs) avec l’auditeur mais dans un esprit plutôt à la Suicide, la boîte à rythme remplaçant au pied levé l’orgue guilleret des grands matchs de basket ou de hockey. Sur le deuxième disque il fait beaucoup de bruit avec son pote et remporte la mise sur une face B aussi subtile qu’accrocheuse.

Les Cheater Slicks de Columbus (Ohio) ont récemment fêté leurs vingt ans d’existence. C’est plutôt rare pour un groupe garage. Mais au delà de cette longévité, ce qui frappe c’est l’incroyable qualité de TOUS leurs albums. Et ils ne se sont pas restreints au garage pur jus puisqu’on leur doit des reprises fabuleuses dont une, tiens, de Lee Hazlewood qui me revient à l’instant à l’esprit. Malgré tout cela ils ne connaissent pas la même popularité que les Dirtbombs ou les Oblivians. Ce n’est pas pas réellement qu’ils soient un « secret bien gardé » comme d’aucuns voudraient trop vite en conclure mais juste un groupe qui reste aussi discret – c’est d’ailleurs peut-être leur souhait – qu’essentiel. Ils ont récemment sorti « Walk Into Sea », somptueux nouvel opus sur Dead Canary. A l’image de la tempête sur la pochette ce disque est fougueux. Les compos telles ces espèces rares et sauvages des bas fonds marins surgissent et laminent tout sur leur passage, faisant par la même occasion la nique à toute une ribambelle de nouveaux groupes encore dans le petit bassin au niveau de l’écriture. Il n’est pas trop tard, plongez en eau profonde avec les Cheater Slicks.

Dans le genre déflagrations boom boom, le nouveau Pan Sonic – « Katodivaihe / Cathodephase » sur Blast First Petite – fait aussi très fort. Le duo électronique finlandais – maintenant installé à Berlin – sculte des surfaces étonnantes: lisses, rêches, tailladées, gondolées, boursouflées…Jouant de l’obscurité et de l’austérité apparentes de leurs créations, ils magnifient l’inattendu et la surprise, des explosions soniques au violoncelle en pleine rue, pour atteindre une sorte de pop bitume secouée par les graviers et les échappements toxiques.

Imparable aussi l’album « Fast Metabolism » de Tyvek que j’écoute seulement en MP3 pour le moment en attendant de mettre la main sur les quatre titres présents sur le double 45t sorti récemment sur What’s Your Rupture. Le groupe de Detroit, dans lequel on retrouve Heath des regrettés Fells, n’a pas son pareil pour fignoler des chansons transcendant le meilleur des débuts de Rough Trade (Swell Maps, Television Personalities, Electric Eels..) en l’agrémentant d’une dose de Detroit garage. Speedé, bricolo, brillant, twistant sans cesse la morosité de leur environnement avec l’inspiration des plus grands, ce groupe ne cesse de m’épater!

Arrivé récemment sur la platine le nouveau single de Pink Reason, « By A Thread » sur Trickknee Productions, prolonge parfaitement le « Throw It Away » sorti l’an passé. En pleine dérive dans les étendues du Midwest « By A Thread » dépouille un certain psychédélisme west coast de ses poses les plus prévisibles pour y insérer une sorte de noirceur sourde mais pas indus-lourde. Pèlerinage impromptu à l’envers, trip en l’air sans plus rien voir et puis gospel tordu en Face B. Pas pu encore me procurer le LP sorti sur Siltbreeze il y a quelques mois.

Et puis en vrac: « Good bad not evil » des Black Lips en MP3s en attendant qu’il sorte (et bien qu’il ne soit qu’à moitié réussi, contrairement au faux live sorti il y a quelques semaines en LP sur DieSlaughterHaus); « Kala » le nouveau safari sonore de M I A plus m’as-tu-vu que son précédent mais décoiffant quand même; le « Best Of » de Slim Harpo sur Rhino parce que c’est trop bon pour ne pas être écouté régulièrement…