They don’t sleep much


Mesa of the lost women « I remember how free we were » LP (Premier Sang)
Je mange du jambon, j’écoute ce disque. Un live de Mesa of the lost women. Une face a été enregistrée au Caveau des Trinitaires à Metz fin octobre 2007, c’est à dire il y a 4 ans. Une autre face a été enregistrée en Juillet 2005 au Bunker, à Metz aussi. Je ne calcule pas combien d’années ça fait. Disons que c’était il y a quelques années-jambon. Mesa of the lost women c’est Yves Botz à la guitare, une présence scénique, sonique, qui gueule « I remembeeeeeeeeer » dans le micro de sa guitare entre quelques saillies bruitistes et fiévreuses à vous retourner l’estomac. Mesa of the lost women c’est aussi Chistophe Sorro à la batterie: un jeu sec et précis, un faux-rigide qui s’adapte avec aisance aux excentricités de son comparse. Mesa of the lost women ce sont aussi, souvent, des invités. En l’occurence sur une face « Junko » et sur l’autre « Thierry Delles » (c’est peut-être un pseudo, j’en sais rien). Junko apporte des cris, Delles apporte des percussions. La face avec Delles est nettement plus destructurée, chaotique, larsen-ique. Il souffle sur ce disque une folie réelle, brute, directe, salvatrice. Ne les manquez pas en concert, vous êtes partis pour quelque chose à remember-er.


The Dreams « Morbido » LP (Kill Shaman)
Sur le rond central de la face A Armelle mange un melon, sur le rond central de la face B Nafi pose avec une bière. Le duo de la Grande Triple Alliance de l’Est nous astreint à un strict régime melon/bière avec ce nouvel album. Mais quand le disque débute on a l’impression que le melon a été piquousé à quelque chose et qu’il y a peut-être un truc qui est tombé dans la bière. On vole vers le grand toit de la Jamaïque, tous frais payés par Ethiopian Airlines. Mais il y a une sorte d’escale bizarre en Amérique du Sud le temps d’un « Seis Seis Seis Condor », aussi envivrant qu’acide avec son synthé qui vrille et ses entrelas de guitare déliquescents. On survole ensuite le Golfe du Mexique pour un « Aloha Miami », remuant et aérien, un vrai tube tropicold interplanétaire. Quand on se pose enfin à Kingston c’est bien sûr pour un dub tout bizarre, le suprenant « Sick Palm Dub ». Boîte à rythme qui claque, éclat de nappes synthétiques, tricot de guitare haut perché: « Mein Schatz » pousse la formule Dreams à son paroxysme, on commence à suer à grosses gouttes. « South african youth of africa » temporise un peu pour une sieste transat/atlantique.Sur la face B, tout aussi recommandable, on retrouve notamment « Milk by myself », classique de leur set live mais aussi le stellaire « Pure Reggae Night », l’intense « Out of eyes » ou le léger « Reggae 4 ». Un bien bon disque!


Divorced « Separation Anxiety » LP (Untapped Resources)
Je ne m’étendrai pas sur le nom génial de ce groupe ni sur le nom génial de cet album (je le pense, j’en suis convaincu). C’est un groupe australien et c’est à ma connaissance leur premier album. Un disque qui saute à la tronche avec un premier titre simplement intitulé « I wanna die ». Du proto-punk stoogien en diable et ni vu ni connu, on en arrive assez rapidement à ce morceau épique « They don’t sleep much », une espèce de masse sonore incandescente qui descend lentement vers l’âme, brûlant toute trace de vie sur son passage. Le premier titre de la face B c’est « Medical Experiments » et ça dit « The side effects are all the fun so give me everything you got ». Sur cette face on parle aussi de « Weirdo boss », de « …I don’t care » et de « I want you ». La musique est lourde et prenante comme du Cosmic Psychos, on s’enfonce dans l’univers de ces têtes brulées des antipodes avec un plaisir certain. A écouter très fort (et à soutenir).


Mind Over Mirrors « The Voice Rolling » LP (Digitalis Industries)
Voici le projet solo de Jaime Fennelly que d’aucuns connaissent peut-être via ses projet Peeesseye ou Acid Birds. Le musicien de Brooklyn a enregistré une bonne partie de « The Voice Rolling » alors qu’il vivait sur Waldron Island, une île isolée de la Mer des Salish proche de la frontière entre la Colombie-Britannique et l’état de Washington. Le disque est un assemblage composé à partir d’un harmonium indien et d’un dispositif comprenant pédales d’effets et oscillateurs. L’ouverture est un long panoramique, une lente immersion dans un ailleurs si loin si proche. On découvre dès le premier morceau une chaleur et une profondeur insoupçonnées, un peu comme si on venait de s’envoyer quelques remontants dont les effets dissiperaient lentement l’appréhension d’espaces inconnus et intriguants. Les textures s’empilent en boucles basses et gardent la rugosité et la sauvagerie des grands espaces. « Barely Spun » pousse l’ouverture entre ciel et mer, les courbes de l’air et de l’eau se croisent et s’échappent dans un mouvement aussi cosmique qu’animal. L’harmonium semble prendre racine tout en créant de puissantes intonations ascendantes allongeant les flammes d’un large feu nocturne fuyant son foyer. « Point Hammond » est le contrepoint matinal, sculptant les creux d’un horizon flottant dans le froid des arbres. Un éveil entre faune et flore ou les réflexions d’une nuit portées dans le climax d’un jour qui naît. Une nouvelle respiration, plus sûre, se fait entendre alors qu’un enième tour de l’île inspire pour la première fois un sentiment presque familier, signe discret d’une évolution dans le rapport au lieu. Un rythme inédit, improbable, comme né du néant apaise désormais les frottements de l’espace et du temps avec la sombre assurance d’une virgule dans une phrase chargée d’histoire. Il nous faut également signaler ici le complément indispensable à ce superbe album: une K7 intitulée « High & Upon » sortie sur Gift Tapes à 100 exemplaires et bien entendue déjà épuisée. Il souffle sur l’épique « I’m willing to stagger » des équilibres enchanteurs, des éclats de soleil couchant sur les rivages muets d’un petit nulle part. Sur « Moutain Convalescence » les accords graves d’un piano urbain plient puis triomphent, dans un chaos d’interférences, devant les envolées de l’harmonium comme pour souligner la violence d’une fin de réclusion, la difficulté à refermer une parenthèse-univers qui aura permis temporairement à un intérieur de se fondre avec son extérieur.


Prurient « Bermuda Drain » LP (Hydra Head)
Au commencement, un cri. Un cri de fauve. Prurient construit une tension. Une voix surgit d’abîmes synthétiques. Une date est donnée, une température. L’ambiance est posée: résolument sombre. Dès le deuxième morceau, la noirceur se confirme, plongeant violemment l’auditeur dans un gouffre death-wave. Un gouffre qui ménage quelques rares promontoirs propices à de brûlantes confidences nocturnes. Avant de nous faire retomber à nouveau, d’une trajectoire abrupte, pressé par des éructations orageuses. Trépidante, incidieusement malsaine, cette descente dans la chaleur des bas-fonds brille d’une étonnante abnégation. Jamais il n’est donné de voir la lumière de la surface et les ombres du précipice se révèlent être d’angoissants miroirs. De suaves et inquiétants secrets suent le coeur d’une psyché en chute libre, désespérement condamnée à une dangereuse accélération vers des recoins inexplorés. Quand la chute se ralentit, c’est pour faire face à des murmures humides glissant douloureusement sur des parois accidentées. Murmures en forme d’inexorable poison détruisant les fragiles et précieux souvenirs d’une vie antérieure avec la sourde intensité d’un torrent déchaîné. Pourtant ce « Sugar cane chapel », ultime transmission souterraine, semble subtilement suggérer le pressentiment d’une accalmie, aussi fantômatique soit-elle. Comme si ces neuf morceaux n’étaient que les fiévreuses séquences de tourments intérieurs dont on essayerait de se persuader qu’ils ne peuvent durer. Le vide se devant de rencontrer son opposé. Une chose est sûre: avec « Bermuda Drain », l’hyper prolifique Prurient – qui officie également dans le groupe Cold Cave et gère le label Hospital Productions – file un disque à la fois radical et ouvert à de nouveaux publics. Un disque dont la substance subversive a les effets de puissants vertiges.


Die Ersten Menschen « Apocalypse Now & Then » LP (Bachelor)
Je vous causais de ce groupe teuton il y a quelques temps déjà et voilà que sort enfin leur premier album sur le label autrichien Bachelor avec un mastering signé Tim Warren, le fameux boss de Crypt. Un album absolument épatant qui enchaîne brulôts 60s punk fiévreux et sauvages (« Such a simple thing », « Found & Lost »…) avec une fraîcheur rare. Il y a même quelques mid-tempo très classes comme ce « They call me Ty ». Enough said, du tout bon, je recommande fortement.


Pop.1280 / Hot Guts Split Ep (Badmaster)
L’excellent groupe new-yorkais Pop. 1280, que l’on a repéré récemment avec leur tonitruant « Step Into the grid » sur Sacred Bones, poursuit ses méfaits sur le label Badmaster de Philadelphie. Attendez non, en fait ce disque est peut-être sorti avant. Bref, on s’en fout. « Neon Lights » construit sa tension entre des assauts synth-bass graves et profonds et les embardées éclatantes d’une guitare qui semble tendre vers les aigus sans jamais y parvenir. Hot Guts n’est pas en reste et balance deux gros morceaux de noise souterraine. D’abord le caverneux et remuant « Da’rat Hessla » puis le glacial et synthétique « Ponys ». Deux groupes à suivre de près!


Wollen Kits « Maths » 7″ (RIP Society)
Symbole du renouveau de la scène australienne Wollen Kits sort ici un 45t de toute beauté. Sur la face A on découvre « Maths », un petit hit power-pop fait-maison, un peu boiteux sur les bords, un peu branque mais foutrement génial! Le genre de morceau que je me repasse en boucle pendant une heure. Sur « Out of town », le chanteur semble se forcer à chanter avec une voix grave, c’est assez hilarant. La guitare est toute ébouriffée, y’a du bel enregistrement lo-fi là aussi, sans que ça soit utilisé trop ostensiblement. Au final un groupe qui a des idées, des chansons et du fun à revendre, je dis OUI.


Leaders « State of Shock » 7″ (Import Export)
Première sortie de ce nouveau label parisien et un bien beau coup! On retrouve dans le groupe Leaders de Portland, des anciens de Fireballs Of Freedom, des fous furieux gavés de MC5 qui avaient fait les belles (dernières) heures du label Estrus à la fin des années 90. Pour ce nouveau projet, le ton est un peu différent: leur tonitruant « State of Shock » , résolument synth-punk, évoque le meilleur des Units, fameux groupe de San Francisco. La face B, « Queso on yer faceo » est plus garage-pop fun avec malgré tout un savoir-faire certain comme beaucoup de très bons groupes du Northwest. Un single bien convaincant!


Charlene Darling « Mourning Tooth » K7 (Les Disques de l’oubli)
Voici une K7 présentant le projet solo de la batteuse/chanteuse du groupe parisien La Ligne Claire. En regardant de plus près, ce n’est pas tout à fait solo puisque ses comparses de La Ligne Claire semblent avoir joué sur de nombreux morceaux. Sur de frêles mélodies, Charlene Darling étend une petite voix de cristal, retenant instantanément l’attention. Les morceaux, minimalistes, dépouillés, réduits à leur essence, dégagent une atmosphère bien particulière, une fragilité qui semble épouser parfaitement le format K7. L’enregistrement frise parfois le no-fi mais on est captivé par l’attention apportée à chaque morceau, à chaque instant, à ces passages de guitare, de clavier ou de flûte qui témoignent d’une approche décomplexée, totale et profondément singulière de la musique.


After After After « s/t » K7 (Skrot Up)
Une boîte à rythme, des voix, des frissons en plein cagnard: bienvenue dans les ambiances nocturnes et intriguantes du projet After After After dont on ne sait pas grand chose sinon qu’il s’est développé quelque part entre Bruxelles, Zürich et Berlin et qu’il sort sur l’excellent label danois Skrot up. Une chanson comme « Dancing in a mist… » se révèle emblématique: un enchevêtrement de voix, de murmures, de beat-box, une ligne de basse en boucle et cette folle attraction du vide, comme aux plus belles heures de la no-wave. Un trépidant instrumental plus loin nous voilà face à une chanson aux entournures new wave/pop mais dont le chant suinte le malin. Chanson prolongée ensuite dans une version de plus en plus dérangeante comme un yang-terreur. Vivement la suite!


Hélicoptère Sanglante/Popol Gluant « Vice Magazine » K7 (Stochastic Release)
Je commence par la face B. Mais je crois bien que Popol Gluant est un projet parallèle d’Hélicoptère Sanglante (ou inversement) donc c’est pas trop grave. Et a priori c’est une seule et même personne souvent name-checkée ‘HH’ dans les freestyle ou les parties fines de Belleville. La face B donc, c’est Popol Gluant « live in Greenpoint » le 12/06/10. C’est assez boueux et synthétique. J’imagine qu’une musique comme ça dans un supermarché causerait quelques comportements jugés « borderline ». Un peu (beaucoup) de changement. HH s’enferme dans la chambre froide du rayon boucherie puis sort en courant avec une carcasse et fait un vol plané en direction du rayon fruits et légumes. A un moment donné je me suis demandé si c’était encore la face B ou le bruit de la fin de la K7. En fait c’était toujours la face B. Là on temporise, on rampe jusqu’à la petite chips écrasé qui traîne sur un coin de carrelage, proche du rayon conserves. Je me suis demandé si mon radio K7 déconnait mais non, ça s’est arrêté. STOP. Face A. Encore le même bruit. Je crois que ça vient de mon radio K7 et qu’il déconne. En l’espèce je ne suis pas sûr que ça soit gênant pour poursuivre la chronique. Je décide de poursuivre la chronique. Hélicoptère Sanglante, le premier titre est « Normandy ». C’est probablement enregistré sur un lieu chargé d’histoire. Y’a comme un bruit de vent mêlé à une mélopée FM sortant d’un casque. Je dois dire que c’est assez réussi, on dirait une sortie en classe verte qui dégénère. Le morceau « Les Druides » est plus cérébral. S’il faut rester dans la lourde métaphore scolaire, je comparerais ce titre à un prof de physique qui fait l’expérience de trop. De la bonne K7 d’enculé.


The Dictaphone « Past.Future.Void » K7 (Tolmie Terrapin Press)
Voici les nouveaux enregistrements du projet tourangeau The Dictaphone à qui on doit déjà quelques fameuses sorties sur les labels Kill Shaman ou Sweet Rot.Les chansons sont au croisement d’une approche bedroom-punk à la Intelligence/Nerve City et de sonorités plus indus/expérimentales à la Factums. Mais peu importe. The Dictaphone n’a pas besoin de ces références. The Dictaphone sait écrire de bonnes chansons: tout est savamment agencé et même si les vocaux mériteraient d’être parfois plus en avant, la variété des morceaux entretient l’écoute attentive. A noter aussi: des reprises des Tronics et des Vulvettes.

J’écoute aussi: Guinea Worms, The Rebel et pas mal de merdes en MP3.

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