Erraï Arraï

De nouveau un petit tour des disques que j’écoute en ce moment…

On commence par une K7 sortie sur le label messin Luisance Sonore. Une K7 des Pussy Patrol, trio de jeunes plus ou moins basé à Paris. Un belle jacquette, un insert qui vaut le détour – pour qui regrette les pitreries des heures de colle ou les amateurs de Found Magazine – et des enregistrements aussi bruts que réjouissants. Entre les hits riot grrrl « Crush On You » et « Lick My Period » gavés de choeurs acides à souhait, le lent et prenant « Forgive My Past » ou le hit intercontinental « Mickey » (croisement vrillé entre les Shaggs et les Shangri Las), on succombe rapidement aux tremblements enthousiastes et DIY, à la fièvre juvénile et aux salvatrices élucubrations de Pussy Patrol qui rayonnent sur une voie de traverse entre le son des girl groups 60s et le punk rock le plus primaire.

Ayant finalement mis la main sur le double 7″ de Tyvek sur What’s Your Rupture, je vous en remets encore une couche sur ce formidable groupe de Detroit. C’est qu’on tient là 4 hits – oui rien à jeter! – du roboratif « Give It Up » à l’incroyable perfection de « Frustration rocks » en passant par la trépidante originalité de « Air Conditioner » et je ne vous parle même pas du quatrième, de peur d’en faire trop. Que les fondus des compiles Messthetics ou des Desperate Bicycles n’attendent pas plus longtemps, voilà le groupe que vous attendiez et en plus les paroles sont délicieusement intriguantes. A suivre de près, bien sûr!

Poursuivons avec le 45t de His Electro Blue Voice, nouvelle pépite sortie sur le label de Sacramento S-S records. Le cold-punk possédé de « Fog » fait mouche dès la première écoute et vous prend au bide presque aussi bien que Warsaw ou les débuts de Bauhaus. La face B « Das » légèrement moins accrocheuse dévoile tout de même un post-punk goth déviant teinté d’un clin d’oeil quasi-prog. Un single tout à fait recommandable.

Je n’en dirai pas autant du LP « Blow Machine » de Digital Leather sorti récemment sur FDH. Autant les singles du groupe sont souvent imparables – citons par exemple ceux sur Plastic Idol et Goner – autant les albums le sont souvent beaucoup moins. Sur « Blow Machine », on perçoit ce qui peut agacer: certains titres frisent parfois le New Order ou le Human League, cultivant des clichés 80s dont ont se passerait bien (« Studs of Love »). Pourtant, et les concerts du groupes en témoignent, Digital Leather a aussi écrit quelques titres synth-pop sombre, aux contours punk abrasifs. « Closed my eyes » ou « Please be quiet » sont de ceux là, quelque part entre Fad Gadget et l’agressivité des compiles « Killed By Death« .

Très en vue dans les médias « branchés » depuis leur signature sur Vice les Black Lips ont au moins le mérite d’insister pour que leur label continue de sortir du vinyl. Alors que la version LP de leur nouvel album « Good Bad Not Evil » arrive au compte goutte par ici, c’est Vice UK qui sort le 45t « Katrina ». « Katrina », chanson à double sens sur l’ouragan ET une fille du même nom, était déjà sorti sur Rob’s House/DieSlaughterhaus et a été ici réenregistré dans une version « studio » pour figurer sur ce single et sur le nouveau disque. Une chanson follement énergique, bouillante et qui correspond parfaitement au groupe. Du garage-punk piquant, nourri aux compiles « Back From The Grave » et souvent attentif aux mélodies, aux choeurs, etc. La face B est un inédit punché au titre soyeusement choisi par nos louistics: « Italian Sexual Frustration ».

Beaucoup plus underground le label Die Stasi qui sort successivement deux 45t remarquables témoignant d’une certaine effervescence du Midwest américain. Parlons d’abord de TV Ghost, groupe originaire de Lafayette (dans l’Indiana) et qui sort là sont premier single. Suscitant le même type d’excitation que le 45 de Wizzard Sleeve – sorti il y a quelques mois – les deux groupes ont en commun une sorte d’approche proto indus-punk qui frise parfois le psychédélisme le plus cramé. TV Ghost déambule très librement entre les spectres vivaces des premiers TG et Swell Maps, y ajoutant un touche personnelle via un spleen désincarné, celui du grand nulle part. En lieu et place du synthé de Wizzard Sleeve, on retrouve un orgue qui maintient in extremis une sorte d’étrange affiliation garage. Le chant aidant on frise parfois les errances de The Fall ou des Country Teasers. En tout cas le « Bird Flu » de la face B risque de nous hanter bien longtemps.

La deuxième sortie du label Die Stasi c’est un single du groupe Frustrations – avec un s et donc à ne pas confondre avec leurs quasi-homonymes parisiens – originaire de Detroit. Sur la face A, « Exploding Mind » traduit une approche pas si éloignée des sus-cités Tyvek alors que la face B laisse entrevoir d’autres aspects du groupe. En effet celle-ci débute avec une reprise fiévreuse de « Freedom of choice » de Devo et se termine par l’enflammé « Evil Twin », noisy, tendu et remuant comme un clin d’oeil aux voisins de Six Finger Satellite/Chinese Stars et au label Skingraft de Chicago.

Pour une bonne salve de « hardcore éternel » – comme on dit maintenant pour différencier les groupes fidèles aux hardcore du début des années 80 de ceux qui l’empoisonnent de métal – rien de tel que le Ep de Homostupids « The Edge » sorti conjointement par Radio 81 et P Trash. Les braillements n’ont là rien à voir avec ceux des beuveries de l’Oktoberfest et soutiennent solidement des compos ultra-speed, comme autant de directs savamment placés. Le dernier titre en face B, un peu plus lent et aux guitares plus liantes, souligne le fait que le groupe n’est pas réfractaire à descendre en rappel plutôt qu’en chute libre et donc à pimenter à l’occasion une chanson d’un semblant de mélodie.

Présenté sous une pochette-maison en forme d’hommage un peu geek à la gameboy et la NES, « Got Nitedo » (vous remarquerez l’absence de haine), le nouveau EP des new-yorkais de LiveFastDie sorti sur Boom Chick n’a pourtant rien d’indie-rock nerdy comme cela aurait pu en laisser présager. Non, LiveFastDie est une fois encore au top d’un minimalisme punk sale et gluant comme en témoigne la chanson titre à la basse métallique ou le guère plus bavard « Do I look like a bank (to you) » qui semble enregistré à l’étouffé comme un vieil inédit de Crime. « Webshits and Blah Blah Blahs » s’appuie sur une célèbre phrase lâchée par le groupe français The Fatals alors que leurs déboires de tournée américaine étaient salement rapportés et déformés sur Internet. LiveFastDie en fait une pépite weird-punk au refrain flottant qui dans un autre monde aurait tout d’un hymne.

Et last but not least, je m’évade régulièrement vers des contrées lointaines à travers ce vieux 45t de Cheikha Remetti Elrelizania (aka Cheikha Rimitti) « Erraï Arraï » b/w « Kheira Sali Anbi », « chants oranais avec flûte » totalement hypnotisants qui ouvre à des imaginaires infinis tel un immense désert aux mystérieux oasis qui débarquerait dans votre salon. Remets-nous ça Rimitti.

Lost d’Ormesson

 

J’ai croisé Jean d’Ormesson devant mon bureau de Poste. Pardon je vais reformuler: j’ai croisé Jean d’Ormesson de l’Académie Française devant mon bureau de Poste. Il portait un costume gris avec une cravate bleue. L’air songeur, le tein halé et les cheveux très blancs, il avait une main dans une poche de pantalon alors que l’autre tenait en son creux un mouchoir recroquevillé avec lequel il s’est essuyé le nez. C’est que la fraîcheur du soir commençait à se faire sentir…Il a traversé lentement la place, d’un pas presque nonchalant. Plus loin un anglophone me demande où se trouve le bureau de tabac le plus proche. Jean d’Ormesson cherchait t’il aussi du tabac? A l’heure où beaucoup rentraient du bureau? Jean d’Ormesson aime t’il se perdre en banlieue? A t-il comme moi le projet d’aller flâner au bout de chaque ligne de métro et de RER? D’aller en bout de ligne?

La réponse à ces questions ô combien importantes m’est venue par hasard, plus rapidement que prévu. Très précisément quelque minutes plus tard à la fin du journal régional sur France 3 Ile De France – dont le siège est non loin de la Poste en question. Voilà la tronche de d’Ormesson qui apparaît pour défendre un enième bouquin que je ne lirai pas. Si loin si proche, la lucarne à quelque pas de la Poste. Ah c’est donc ça le regroupement des services publics.

Enfin au passage mon sens de l’observation en a pris un bon coup puisque la cravate était noire et non bleue.

L’anecdote n’est pas bonne.